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Harcèlement scolaire : quelles conséquences psychologiques ?

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CEDRE France

Les chiffres varient selon les sources et selon les âges, mais on estime que 5 % à 6 % des élèves français seraient victimes de harcèlement scolaire en France, soit 700000 élèves en tout. 3 % souffriraient d’un harcèlement scolaire dit « sévère ». Difficile à détecter car il se déroule par définition loin des adultes, ce phénomène peut entraîner des conséquences graves lorsqu’il n’est pas traité à temps. Même à l’âge adulte, les chercheurs constatent une prévalence de certains symptômes dans la vie professionnelle, sociale et psychique des anciennes victimes. 

Echec ou décrochage scolaire 

C’est la conséquence la plus immédiate et souvent celle qui alerte les parents : une baisse brutale des notes, un désinvestissement face à l’école qui est devenue un lieu de souffrance. 

L’anxiété générée par une situation de harcèlement à l’école ou de cyber-harcèlement est d’autant plus forte qu’elle n’est pas verbalisée. Elle se traduit alors par des troubles du sommeil ou de l’alimentation, ainsi que par des difficultés d’attention et de mémoire. 

Si ces troubles ne sont pas reconnus et pris en compte, les risques de décrochage scolaire sont bien réels. Les difficultés cognitives peuvent même perdurer à l’âge adulte, nuisant aux études puis à la carrière professionnelle de l’ancienne victime. 

Harcèlement à l’école : un risque accru de repli sur soi 

Le harcèlement est une violence caractérisée par sa répétition et par l’installation dans la durée d’un rapport dominant/dominé. Qu’elles soient physiques, verbales ou publiées en ligne, les agressions réitérées créent logiquement une anxiété très forte chez l’élève harcelé. Celui-ci entre alors dans des stratégies d’évitement comme se mettre volontairement à l’écart de tous, se cacher dans les toilettes ou ne plus vouloir aller à la cantine par exemple. Ce repli sur soi peut aller jusqu’à la phobie scolaire : se rendre à l’école devient absolument insupportable pour l’enfant. 

Ellen Walser deLara’s, thérapeuthe de la famille et professeure en travail social à l'Université de Syracuse (USA) a mis en évidence un "syndrome post-harcèlement à l'âge adulte"[1] , correspondant selon elle à un trouble proche du syndrome de stress post-traumatique. Elle a relevé des difficultés relationnelles, voire une phobie sociale susceptible de perdurer à l’âge adulte. La personne ayant souffert enfant de harcèlement peut limiter les relations sociales au minimum, car elles sont une source de stress trop important.[2] 

Des conduites addictives 

Selon une enquête mondiale sur la santé des élèves en milieu scolaire[3], les victimes ont tendance à consommer du cannabis (7,9 %) et de l’alcool (30,3 %) plus fréquemment qu’en population générale (respectivement 1 ,7 % et 18,8 %). 

Non pris en charge, le harcèlement scolaire peut induire des comportements d’évitement et de mise en danger de soi. En particulier lorsque l’enfant n’a pas pu exposer sa situation à quiconque, il a souvent développé un sentiment infondé de culpabilité et d’impuissance totale. Ceci explique la fuite vers les produits stupéfiants quelques années plus tard. 

Harcèlement scolaire : des troubles dépressifs plus fréquents, même à l’âge adulte 

Cette perte de l’estime de soi entraine également des risques accrus de dépression et d’idées suicidaires. Il est vrai que le harcèlement scolaire prend souvent prétexte des pseudo-différences touchant à l’identité profonde comme la couleur de peau ou des cheveux, l’aspect physique ou la non-conformité aux normes édifiées par le groupe (vêtements, comportement genré…). Si elles ne sont pas accompagnées par un adulte bienveillant, les personnes harcelées à l’école se croient coupables et s’enferment dans le silence et la dépression. 

Le harcèlement sévère et le cyber-harcèlement figureraient même parmi les facteurs les plus associés au risque suicidaire à l’adolescence, surtout chez les filles. 

« Le harcèlement scolaire multiplie par deux le risque de dépression chronique à l’âge adulte » estime Nicole Catheline, pédopsychiatre spécialiste des troubles de la scolarité chez l'enfant et l'adolescent (phobies scolaires, harcèlement entre pairs).  

Les conséquences du harcèlement scolaire sont donc potentiellement très graves pour les enfants harcelés ne bénéficiant pas du soutien des adultes, soit parce qu’ils n’ont pas parlé de leur problème, soit parce que ces derniers n’interviennent pas. 

L’enfant a besoin d’être écouté sans être jugé, afin de pouvoir se confier. Des outils existent comme la plateforme https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr, et le numéro vert 3020. Les professeurs et la direction de l’établissement doivent être rapidement alertés, ainsi que l’infirmier et le psychologue scolaire. 

Si la situation n’évolue pas favorablement, l’enseignement à distance peut-être une solution. L’élève continue son année scolaire en école à distance et dispose du temps nécessaire pour retrouver confiance en ses capacités et estime de soi. L’école à la maison, permet également de suivre un programme d’accompagnement psychologique si nécessaire. Dans tous les cas, il bénéficie d’un suivi scolaire de qualité, en attendant de retourner physiquement à l’école quand il sera prêt. 

[1] "Adult post-bullying syndrome"  

[2]  Ellen Walser deLara: Bullying Scars: The Impact on Adult Life and Relationships chez Oxford University Press, 2016. 

[3] Global School-Based Student Health Survey, de 2013-2018